Commençons le tour de mes sens, les dix, et de leurs particularités. Pour commencer nous allons nous occuper de ceux orientés vers le monde extérieur. L’ouïe, le toucher, l’odorat, la vue et le goût. Ceux que l’on appelle communément les 5 sens. C’est en m’intéressant à mes particularités sensorielles, que j’ai découvert qu’il y en avait d’autres. Avant, j’associais tous les ressentis des autres sens au toucher. J’avais tort, mais tout ceci sera dans un prochain post.
Comme souvent en médecine il faut considérer tout ce qui sort de la norme établie comme défaillant, cela a été nommé « Trouble d’intégration sensorielle ». Encore un bon moyen de ne voir que le côté handicapant. Ce qui conduit à minorer toutes les facultés incroyables qui peuvent en découler.
Qu’es ce qu’il dit ?
Donc, parlons de mon ouïe. Déjà petit, mes parents disaient souvent
« Mais c’est pas des oreilles que tu as »
J’entendais tout ce qu’ils ne voulaient pas que j’entende. Même si je n’étais pas dans la même pièce qu’eux. Ça me posait aussi quelques soucis, puisque j’entendais aussi tout ce qui se passait dans l’immeuble où je vivais. Une règle est vite apparue. Pour que je puisse m’endormir, je devais être le dernier de l’immeuble à me coucher. Elle est toujours en vigueur.
Puis en grandissant, j’ai aussi remarqué que je n’arrivais pas à discriminer les différentes sources sonores. J’entendais toutes les discussions à la fois et avait de la peine à en suivre une seule, mais avec l’entraînement j’en suivais plusieurs. Et maintenant, je peux même participer à plusieurs, de manière imparfaite, je ne suis pas Superman. Mais ça implique un gros travail cognitif.
J’ai constaté que c’était quelque chose d’agaçant pour pas mal de monde. J’ai souvent un échange principal, tout en participant de manière occasionnelle à d’autres. On m’a plusieurs fois fait remarquer, que n’ayant pas écouté toute la conversation, je n’avais pas mon mot à dire. Imaginez la tête des gens quand je leur répète ce qui s’est dit alors que ce n’était pas ma conversation principale. Tout ça, je croyais que tout le monde le faisait… Donc je ne comprenais pas les réactions que ça pouvait engendrer.
En fait c’est moi qui suis « bizarre »
J’ai suivi un cours de sophrologie. Un exercice était de se centrer sur soi pour se déconnecter de l’extérieur. À la fin, la formatrice nous demande de dire ce que l’on a entendu. Les autres décrivent, à chaque fois ce n’était qu’un stimulus, un chien qui aboie, deux personnes qui parlent, etc. Plus ça avançait plus j’étais terrifié de voir mon tour arriver. Quand ce fût le cas, j’ai beaucoup hésité avant de me lancer, j’ai pensé mentir, pour ma survie. Et puis non, j’ai dit tout ce que j’avais entendu avec foule de détails, ça a bien pris une minute, et encore, je n’ai pas tout dit. Je voyais dans le regard des autres ce mélange de surprise, doute, interrogation. J’étais assez mal à l’aise.
Au moins, cela m’a permis de comprendre que c’est moi qui étais un peu hors norme. Au fond de moi, je plaignais un peu les autres d’être aussi malentendant.
Sensible à quel point ?
Très souvent, si je parle de ma sensibilité auditive, mon interlocuteur me répond:
Ah moi aussi j’ai une très bonne ouïe.
Je ne remets pas la parole des gens en question, je ne suis pas à leur place, donc je ne peux pas juger de leur sensibilité. Par contre je constate que pour la plupart des gens que je qui me le déclare, ils n’entendent pas tout ce que j’entends. Parfois il y en a qui ont une ouïe encore plus fine, ils m’épatent ˆˆ
Voici un exemple concret. Il y a quelque temps, j’entendais un goutte à goutte chez moi, surtout la nuit, mais j’avais beaucoup de peine à définir sa position exacte. J’ai demandé à tous les gens qui venaient si ils entendaient, mais ce n’était le cas pour personne. Je pensais vraiment que je devenais dingue, et je le devenais à cause de ce bruit permanent. Ça a duré 6 mois, j’en pouvais plus. C’est mon voisin du dessous qui m’a sauvé quand il est venu sonner pour me dire qu’il avait une infiltration d’eau dans son plancher. Il y avait bien une minuscule fuite d’eau dans le vide sanitaire de ma salle de bain. J’entendais un goutte tomber de 20 cm de haut à travers un mur en brique carrelé et 2 portes massives fermées….
Vous voulez tester ?
Sur les smartphones Samsung, et sûrement sur d’autres, il est possible de sélectionner un profil audio correspondant à votre tranche d’âge pour corriger la perte auditive.
Voici celui pour les plus jeunes. En bleu clair l’acuité auditive mesurée et en bleu foncé ce que corrige le système en amplifiant les fréquences où il y a de la perte.
Celui pour ma tranche d’âge est ici.
Comme on peut faire un profil personnalisé, c’est ce que j’ai fait. Attention il faut un casque de bonne qualité pour qu’il puisse reproduire toutes les fréquences. Voilà donc mon profil.
Si si, c’est bien le mien et je peux vous promettre que je n’ai pas triché en répondant « oui » alors que je n’entendais pas, audition excellente sur toutes les fréquences.
Vous pourriez penser que j’ai toujours pris extrêmement soin de mon audition. C’est totalement le contraire. Il m’est arrivé de penser que je pourrais entendre moins en la massacrant et j’ai agi en conséquence. En boite de nuit l’endroit où vous avez le plus de chance me trouver, c’est les caissons de basses, j’adore les sentir me traverser le corps et personne n’y va, j’ai de la place et ne suis pas bousculé. J’ai aussi écouté de la musique au casque fort voire très très fort. Je le fais moins maintenant.
Par contre, il y a quelque chose donc je me débarrasserais avec plaisir, c’est les acouphènes que j’ai depuis toujours. Très haute fréquence, comme des « mosquitos », avec un léger décalage entre les 2 oreilles. Je sais qu’ils sont d’origine cérébrale. C’est une sorte de bruit de fond de mon cerveau et ils ont tendance à augmenter si je n’ai pas de stimulus extérieur. J’ai aussi constaté qu’ils pouvaient diminuer. Le lien n’est pas encore clair, mais j’ai l’impression que c’est plutôt un signe de bien être. D’autant que cela fait du bien qu’ils diminuent des fois.
Des fois ça ne marche plus bien
Enfin c’est un peu plus compliqué, il y a des jours où je décode très mal tous les stimulus. Des bruits faibles prennent le dessus sur des beaucoup plus forts. La discrimination est impossible. Ou encore des bruits que tout le monde considère comme des signaux d’alerte, ne me font pas réagir. Pourtant je les entends, mais je n’arrive pas à me décider. Il semble que c’est signe d’un meltdown proche ou déjà installé. Je ferais prochainement un post sur le meltdown, très mal traduit en français par effondrement émotionnel.
Ce qui est considéré comme un handicap dans une société bruyante habitée par des malentendants ne l’est pas forcément dans un environnement adapté. J’ai de nombreuses fois dépanné des machines, à l’oreille, avant qu’elles défaillent et que personne ne s’en rendent compte. Imaginez-vous au milieu de la jungle, entouré de bêtes sauvages, comme ça peut être un atout.
Mais comme on est complémentaire, j’aurais aussi besoin des qualités des malentendants pour survivre dans cette jungle, déjà rien que pour les jours où ça marche plus comme il faut.
Photo de Daniel Spase