Cette phrase est tirée de l’excellent livre de Brigitte Harrisson et Lise St-Charles « L’autisme expliqué aux non-autistes » en collaboration avec Kim Thúy. Vous pouvez retrouver l’interview TV pour la sortie du livre sur YouTube. Brigitte Harrisson est quelqu’un donc je me sens très proche sans savoir pourquoi, grâce à ce livre j’ai pu avoir une description moins stéréotypée du TSA. C’est une phrase tellement vraie. Encore faut-il interpréter la notion d’agression correctement.
Pour l’anecdote, c’est le premier ouvrage que j’ai lu lors de ma démarche diagnostique. Toujours en quête personnelle. À la recherche d’un peu de lecture sur le sujet. J’étais finalement tombé sur ce livre donc la forme me plaisait, pas géométrique. Et le fait qu’il soit écrit par une personne autiste, une non avec une maman d’un enfant porteur non verbal. Cela me permettait d’avoir plusieurs points de vue. Contrairement à ceux qui expliquent tout, mais ne l’ont jamais vécu. En plus, dans ça forme, il laisse ouvert la place à l’interprétation en n’était pas péremptoire. Et finalement, n’étant pas sûr d’être membre du club, des zotists, je me suis de suite dit, que si ce n’était pas le cas, j’aurais une meilleure compréhension d’un monde que je ne connais pas.
C’est quoi une agression ?
La notion d’agression, en soit, pose un problème. Qui peut définir qui en est une et ce qui l’est pas? Ce qui m’agresse ne vous agresse pas forcément. Certaines ne sont pas considérée comme tel par la société. J’imagine la tête d’un policier si je porte plainte pour agression parce que une personne à klaxonné, pourtant pour moi, s’en est clairement une.
On se retrouve à nouveau dans la position ou la normalisation crée des problèmes. J’imagine bien, aussi, que certaines personnes pourraient « profiter » de la situation en mentant et expliquant être agressé, par des choses ou des actes qui n’ont pas de réel impact.
De plus, la notion, d’agression peut varier en fonction du temps, de la fréquence et de son propre état. Il y a des sons qui me sont insupportable certains jours que je n’entendrais pas d’autres.
Mais comme pour le harcèlement, ce n’est pas le harceleur qui à le droit de déterminer si son comportement est tyrannique. Il est bien sûr important que le harcelé soit honnête sur ce point. Mais vous savez quoi? Pas tout le monde l’est, quelle que soit la raison.
Voici quelques exemples d’agression me concernant:
- Les vibrations.
- Les sons aigus.
- Les effleurements.
- Les applaudissements.
- Les variations d’intensités sensorielles rapides.
- Les coups.
- Les lumières directes plus ou moins forte.
- Le bruit du sagex (polystyrène expansé), de la craie sur un tableau (j’en frisonne en écrivant).
- Les changements de dernières minutes.
- Quelqu’un qui me parle quand je suis en saturation cognitive.
- La douleur
- etc
Comme vous pouvez le remarquer dans cette liste, il y a des entrées qui peuvent être surprenantes pour des personnes non-autistes, des moldus. Je comprends que ça puisse leur être difficile à comprendre. Il y en a des encore plus surprenantes. Pourtant, tous, en fonction de leurs paramètres, vont être déclencheur d’un comportement agressif.
Comment reconnaître les agressions?
C’est déjà en soit un problème, je n’ai pas souvent la capacité de ressentir l’agression au moment où elle se produit. Il peut me falloir beaucoup de temps, des années parfois. Par contre si je ne l’analyse pas correctement, mon comportement montre des signes d’agression.
Pendant presque 2 ans, je n’arrivais plus à prendre un bain. J’ai pensé que c’était peut-être à cause de mon hyperactivité, qui limitait ma capacité à rester en place détendu, le syndrome des jambes sans repos. Je ne savais pas réellement et même si ils ont toujours été rares. Ils me manquaient, j’aime bien le contact de l’eau sur la peau, contact intégral. La transpiration est une agression pour moi. Sentir toutes ces gouttes provoquant des variations de températures localisée, c’est un enfer. Et si en plus elles se mettent à se déplacer…
C’est après cette longue période, que j’ai compris que c’était lié à tout autre chose. Le remplacement de l’extraction d’air de la salle de bain. En effet, le nouveau système créait un bruit un peu différent. Il ne s’arrêtait plus non plus la nuit, contrairement au précédent. J’avais pleins d’indice. Le fait que je sortais de ma salle de bain pour me brosser les dents en était un. Finalement, j’ai bouché le trou de ventilation et je peux occasionnellement prendre et bain et surtout ne pas sortir de cette dernière en étant irrité.
Et si on retourne la phrase
J’aime beaucoup jouer avec les phrases comme avec des équations mathématiques. Déplacer les variables sans en changer le sens. Cela permet d’avoir un nouvel éclairage de la situation. Et dans ce cas elle a produit un résultat intéressant.
Un autiste agressé est un autiste agressif.
Vous n’y voyez peut-être pas un grand changement, pourtant pour moi, ça transforme tout dans la compréhension.
Cela m’a permis de comprendre que, si je devenais agressif, c’est que quelque chose m’agressait. Voilà une nouvelle piste pour découvrir ce qui m’agresse. Comme j’ai de la peine a analyser cette agression, regardons mon comportement. En fait, Je ne perçois pas non plus mes changements comportementaux systématiquement. Mais parfois, c’est les autres qui me le font remarquer. J’ai aussi appris à mieux observer mon corps qui lui montre des signes d’agressivité plus clair que ce que mon cerveau est capables d’analyser.
Un nouvel outil
De là, j’ai eu un nouvel outil, pour détecter des sources d’agression et pouvoir, quand c’est possible, les réduire ou essayer de m’en prémunir.
Il m’a été aussi possible de comprendre que quand une agression s’arrêtait, elle provoquait un soulagement chez moi. Et souvent il s’exprime par un « ouf » de soulagement. Il m’est dès à présent plus simple de trouver la source. Mais parfois elles sont multiples, cela peut me conduire à faire des mauvaises interprétations. Il est aussi plus difficile de faire ce travail d’analyse en cours de moment ou mes fonctions cognitives sont saturées, en partie à cause de l’agression même ou parce que je l’exploite de manière plus intense.
C’est une opportunité de lister des sources d’agressions connues pour éviter d’y être trop confrontés, en essayant de ne pas oublier qu’il y a des jours plus simple que d’autres pour les gérer. Mais j’essaye de ne pas tomber dans l’excès où je développerais une fausse croyance qui classerait les agressions de manière absolue, un peu comme pour la question « Ça vous dérange de serrer la main? » Où je pourrais répondre de manière binaire. Alors que la réalité est plus compliquée. Ça me fermerait la porte à pleins de chose et peu de choses sont invariables.
Quoi qu’il en soit, ça m’ouvre la porte à de nouvelles techniques pour essayer d’améliorer ma qualité de vie, découvrir des nouveaux états de conscience. Et réussir à profiter de moment de bien être rarement atteint jusqu’alors.
Photo de Arisa Chattasa
Merci pour cette article, très éclairant