Trouver son équilibre quand on est neurodivergent n’est pas une tâche aisée. Même si cela est fondamental pour une vie épanouie et enrichissante. Il peut être très compliqué de réussir à trouver la bonne formule. Mais c’est quoi l’équilibre ? Même si l’avons appris de nous même, pour ne pas tomber, comment le définiriez-vous ?
Quand je pense à l’équilibre, la première chose qui me vient à l’esprit, c’est 3 images, qui définissent 3 types d’équilibres.
Équilibre instable
Pour ceux qui aiment se mettre en équilibre sur les 2 pieds d’une chaise, c’est un équilibre bien connu. On peut le définir de cette manière.
C’est un équilibre qui, suite à une perturbation, n’y retourne pas spontanément.
Dans l’illustration, ci-dessus, on imagine bien ce qu’il se passe si l’on pousse légèrement la boule. Elle va se mettre a dévaler la pente. Sans assistance extérieure rien ne permettra à la boule de s’arrêter.
Équilibre stable
C’est un équilibre qui, suite à une perturbation, y retourne spontanément.
Dans ce cas, vous pouvez pousser la boule comme vous voulez, elle finira toujours par retrouver son équilibre au fond du trou.
Maintenant que nous avons vu les 2 « extrémités » de la notion d’équilibre, voyons la forme intermédiaire.
Équilibre indifférent
C’est un équilibre qui, suite à une perturbation, retrouve une nouvelle position d’équilibre.
Dans ce cas, si je pousse la boule, après avoir roulé un moment, elle s’arrêtera d’elle-même dans une nouvelle position stable.
Quel rapport avec l’équilibre psychique ?
Pour moi, l’équilibre psychique se définit de la même manière. Il est représenté par la boule. Ensuite, il y a le terrain dont la forme dépend de beaucoup de facteurs que j’ai encore de la peine à mettre en mots. Dans la réalité le terrain semble être plus une succession de creux, de bosses. Avec des formes plus ou moins accentuées. Certaines sont extrêmes. Nous n’avons pas toujours le pouvoir sur la forme du terrain. Il est un peu la résultante de que ce nous vivons et comment nous le vivons.
Puis, il y a nous, la boule, rarement parfaitement sphérique, un peu cabossée par tout le trajet effectué sur ce terrain accidenté. Une infinité de boules différentes, avec des propriétés physiques différentes, autant que d’être humains. Elles ont aussi, toutes, une sonorité différente, comme les cloches de mon article sur la « dissonance cognitive«
Finalement, les forces. Celles qui passent leur temps à essayer de nous faire rouler, elles sont plus ponctuelles. Comme si vous soufflez sur la boule. Ces agressions du quotidien. Ces perturbations de votre environnement, qui pourrait bien être représenté par le terrain. Nous n’avons pas le pouvoir d’empêcher leur existence.
Il y a aussi celles que l’on applique pour compenser ces perturbations, empêcher que la boule ne dévale la pente jusqu’au fond du trou. Cela demande de l’énergie. Mais il nous arrive d’être maladroit, mettre trop de force peut faire partir la boule dans l’autre sens, évidemment la forme du terrain est primordiale, dans une situation d’équilibre stable, on peut être aussi maladroit qu’on veut. C’est aussi un moment où il est possible de tester des trucs, sans trop de conséquences. Ce sont des moments de confiance et de sérénité bienvenus.
Un exemple concret
Pour commencer, toute ressemblance avec une situation vécue n’est pas forcément fortuite.
Imaginons qu’après quelques jours ou beaucoup de stress administratif a dû être géré, le sommeil n’a pas été très bon, le SAMA y a mis son grain de sel. Mon terrain est un peu cabossé et je suis plutôt en haut d’une bosse plutôt pointue. Puis, à cause d’obligations, je suis obligé de me rendre en ville. Des forces apparaissent. La pollution, les crét…. qui klaxonnent, même s’ils n’en ont pas le droit, mais comme ils sont plus pressés que tout le monde… Je me suis protégé des sur-stimulations avec mon casque à réduction de bruit active, qui est quand même un gêne sensorielle. Je préférerais ne pas le porter.
Ma boule est en équilibre très instable. À chaque agression, j’essaie de respirer, de passer à autre chose pour ne pas pousser dans le mauvais sens. Puis, tout à coup, je me fais bousculer. Une personne tellement pressée de faire ses cadeaux de Noël pour être une bonne personne, pour son entourage, me touche légèrement, ce n’était peut-être pas la première, mais c’était celle de trop.
Et là, patatra. La boule commence sont chemin vers le centre de la terre, plus moyen de l’arrêter. Cela demande trop de force et je n’en ai plus. Et comme parfois, dans ces situations j’aime bien en rajouter une couche. Je la pousse encore plus, accélérant sa vitesse. Le mal est fait, plus moyen de revenir en arrière.
Il ne me reste plus qu’à chercher à m’isoler complètement des forces qui ne peuvent plus rien faire pour influencer le chemin emprunté par la boule. Et essayer de prendre le temps d’aplanir un peu le terrain.
Et quand l’équilibre est stable…
Quand la même histoire se passe avec un terrain concave, c’est un résultat totalement différent qui se produit. Bien-sûr des gens klaxonnent, me bousculent. Et cela perturbe la boule, mais même si c’est source de fatigue et que cela modifie progressivement la forme du terrain, qui devient de moins en moins creux. Cela ne conduit pas systématiquement à la catastrophe précédente. Et, comme expliqué précédemment, c’est des moments où il est possible de tester de nouvelles choses. Se mettre dans des situations nouvelles, sans payer un prix exorbitant. Parfois même faire des choses que l’on ne peut pas supporter à d’autres moments.
Évidemment, cela aura de l’impact sur la forme du terrain pour les jours suivants, mais quand on en prend conscience, c’est un moyen de mieux anticiper. Éviter d’être l’enfant caché de Sisyphe pendant des jours et de jours.
Apprendre de mes erreurs
Pendant longtemps je n’étais absolument pas capable de connaître la forme du terrain. Il était probablement toujours très pointu. J’ai beaucoup essayé de mettre cette boule en haut, mais de toute façon le sommet était si fin, qu’elle passait sur l’autre versant immédiatement.
Et quand cette boule, donc moi, dévalait la pente. Je me retrouvais au fond du trou, au propre comme au figuré, sans vraiment comprendre ce qui s’était passé et souvent en cherchant dans les causes extérieures. C’était bien rarement de ma faute. Pourtant j’avais bien un part de responsabilité, encore fallait-il que je l’admette. Si on nage au milieu d’une mare d’alligators, c’est pas parce qu’il vous ont croqué qu’ils sont responsables. Fallait déjà peut être pas y mettre les pieds ou dans des conditions qui permettent de mieux s’en sortir.
Mais j’ai aussi utilisé mes souvenirs pour essayer de mieux comprendre des situations que j’ai pu vivre et, grâce à la meilleure connaissance de mon fonctionnement, pointer des signaux qui auraient pu m’alerter, ceux que je n’avais pas saisi sur le moment.
Il est sûr que j’ai toujours beaucoup de peine à connaître la forme du terrain, par contre, maintenant j’ai réalisé que si au début d’une journée, j’étais attentif à ma réaction aux petites agressions et à l’énergie qu’il me fallait pour les contrer, je pouvais me faire une bonne idée de sa forme. Et donc d’essayer d’agir en conséquence.
Des fois, c’est trop bien
Quand j’arrive à atteindre cet état d’équilibre stable, je flotte. C’est Byzance. Cela reste quand même très rare et mes erreurs de jugements comme de réactions aux forces extérieures sont très fréquentes. Mais comme tout processus itératif, j’ai l’impression d’avancer à petits pas. D’avoir plus d’influence sur la forme de ce maudit terrain.
C’est aussi un source de perturbation, parce qu’il est parfois nécessaire que j’accepte que certaines routines puissent être plus nuisibles que bénéfiques dans les situations instables, alors que j’aurais plutôt tendance à vouloir m’y réfugier. J’apprends aussi à accepter qu’il est possible que les autres puissent m’aider à maintenir la boule en place. Mais là, j’ai encore pas mal de boulot…
Et vous, il est comment votre terrain au moment de lire ces lignes?
Photo de Johannes Plenio