Quand une phrase commence par ces 3 mots, vous pouvez être sûr que la suite sera absurde. C’est comme commencer une phrase par « Les blonds sont… ». Cela n’a pas de sens. Mon autisme n’est qu’une des nombreuses particularités corporelles qui me définissent. Et elles sont vraiment nombreuses. Les seules particularités qui nous regroupent sont celles de la dyade autistique comme définie dans le DSM-V. Et encore la manière de l’interpréter est tellement vaste que ça ouvre un champ de comportements très divers.
Il y autant de nuances de blonds différents que de blonds
Je constate que pour beaucoup de personnes ces nuances ne sont pas perceptibles, pourtant elles existent. Il suffit qu’une personne change légèrement sa couleur de cheveux, que ce soit naturellement ou artificiellement, pour que j’ai de la peine à la reconnaître. En fait, je la reconnais et ne la reconnais pas en même temps. Tous les détails qui composent l’image mentale que j’ai de cette personne sont en place, sauf un. Il m’arrive aussi de ne pas voir un changement très visible car cette partie ne faisait pas partie des références mémorielles me servant à la reconnaître. On m’a toujours dit que les vrais jumeaux étaient identiques, étrange, j’ai toujours pu différencier ceux que j’ai fréquentés. Le contexte peut être aussi une source de problème.
Le vocabulaire se développe en fonction des besoins de la société qui l’utilise. Si nous avions un besoin de pouvoir décrire toutes les nuances de blonds, nous aurions des mots différents pour chacun. Tout comme les Inuits utilisent une douzaine de mots pour définir la neige et la glace. Un mot défini un concept, il n’est pas forcément possible de le traduire dans une autre langue. Cela me pose parfois des problèmes. Il ne m’est pas toujours facile d’exprimer quelque chose que j’ai dans la tête, ne trouvant pas de mots correspondants. Je me vois obligé d’essayer de décrire avec des mots imparfaits. En plus, la compréhension du récepteur du message, qui l’interprétera avec ses codes, sera tout aussi imparfaite que le message transmis. Je vous invite à lire ou relire l’article que j’avais écrit sur ma manière et mes difficultés à m’exprimer, le français n’est pas ma langue maternelle.
La diversité autistique
Prendre les personnes avec autisme comme un groupe homogène est une erreur pouvant avoir des conséquences graves, pour eux. En effet, c’est négliger tout ce qui peut avoir de l’influence sur leur fonctionnement autistique. C’est, de mon point de vue, une erreur qui existe dans le monde médical de manière générale, peut être liée à l’hyper-spécialisation, qui limite la prise en charge à un détail, négligeant tout le reste.
Si vous guérissez, c’est grâce aux médecins. Si vous êtes toujours malade, c’est de votre faute.
C’est un peu comme s’inquiéter du bruit que fait votre chaussure au milieu d’une voie de chemin de fer. Possible que vous arriviez à faire disparaître ce bruit, vous finirez, dans tout les cas, écrasé par un train.
Dans mon cas, oublier que je suis aussi propriétaire d’un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité dans la gestion de mon fonctionnement autistique est contre-productive. En moi, j’ai comme deux enfants à satisfaire. Un qui aime plutôt le calme et la routine, un autre, plus turbulent qui a besoin de nouveautés et qui n’aime pas trop la routine. Si je m’occupe trop d’un, c’est au détriment de l’autre qui finit par en souffrir. Cela conduit à une chose, toute la famille finit par aller mal.
Après avoir suivi une thérapie qui s’appelait « Acquisition de compétences pour personne avec TDA/H » qui m’a beaucoup apporté sur la compréhension de mon fonctionnement et une meilleure responsabilisation personnelle, j’ai mis en action des changements dans le but de mieux le gérer et le vivre. C’était avant que je me sache possesseur d’un trouble autistique. Ça marchait plutôt bien, sur le moment. Pourtant à chaque fois après une démarche qui paraissait bénéfique et me faisait du bien, suivait une période où l’inverse se produisait, au point que je ne savais plus quoi faire. C’était un petit mieux pour un grand moins bien. Malheureusement, au fur et à mesure, j’ai laissé progressivement tomber toutes initiatives bénéfiques orientées par les acquis de la thérapie pour le TDA/H. Cela a ajouté du doute et de la culpabilité à une situation déjà fragile.
Mieux se comprendre, mieux se gérer
Il m’aura fallu du temps et la découverte de mon fonctionnement autistique avant de comprendre. Ce que je faisais n’était pas exécuté de manière correcte, et cela ne manquait pas de mettre en difficulté mon côté autiste. Il me le faisait bien payer par la suite.
C’est déjà pas simple à gérer avec ces deux particularités corporelles. Si vous ajoutez les pathologies qui m’affectent et les autres particularités qui me composent, c’est parfois ingérable. La solution pour trouver un bon équilibre est très personnelles et rarement dans les livres, dont le titre est là pour vous le faire acheter, ou dans les conseils parfois trop affirmatifs d’autres personnes. Je respecte tout le travail fait par Temple Grandin, par contre quand je tombe sur certaines de ces recommandations, les bras m’en tombent. C’est peut-être un défaut de langage ou une mauvaise interprétation de ses propos. J’ai l’impression qu’elle est dans l’injonction. Cela me donne le sentiment qu’elle oublie qu’elle s’adresse à des gens un peu premier degré, prenant au pied de la lettre ce qu’elle exprime, alors que ce qui marche pour elle, n’est pas forcément LA solution et même parfois une source de problèmes pour d’autres.
Et ce qui vaut pour moi, reste valable dans le cadre de ma relation avec autrui. J’ai parfois tendance à dire « Les autistes sont… » alors que qu’il serait préférable que je dise « Certaines personnes avec autisme… Dont moi. ». Des défauts de langage hérités, en partie, de mes techniques de masquage. C’est aussi dangereux de parler d’autisme de manière très stéréotypée. C’est oublier qu’il en existe qui ne sont pas diagnostiqués, donc pas pris en compte dans les études.
Ouvrir son horizon
Dans mon cas, la vision de l’autisme que je connaissais avant mon propre diagnostic à probablement participé au délai important avant d’y arriver. Je me sentais proche des personnes reconnues comme tel, pourtant je ne rentrais pas dans les cases « autistiques ». C’est la même chose avec la notion d’autisme féminin et masculin. Y-a-t-il des différences parce que l’on cherche des comportements types pour chaque sexe, donc qu’on néglige le fait qu’ils peuvent exister chez l’autre sexe? Ou parce qu’il y a une réelle différence, pas forcément physiologique? Je suis moi-même un homme avec un profil autistique plutôt féminin. Attention je ne dis pas qu’il n’y a pas un problème de sous-diagnostic chez les femmes, c’est visiblement le cas.
Je me rappelle d’ailleurs les dires d’une chercheuse Allemande en neurosciences. Dès que je la retrouve, je rajouterais la source. Elle expliquait qu’un cerveau, quel que soit le sexe de son propriétaire, était composé de pleins de petits éléments tantôt plutôt féminin ou masculin. Qu’il y avait une différence entre les cerveaux des deux groupes. Mais qu’il y avait des différences bien plus importantes à l’intérieur de chaque groupe.
Il m’est arrivé d’entendre que je n’étais pas assez autiste, que j’étais un autiste léger. Une notion qui n’a pas beaucoup de sens. Par des gens qui semble vouloir nous mettre dans les cases par rapport à notre capacité de fonctionnement, ce qui conduit à une perte d’échange et de compétences entre des groupes entretenus virtuellement. Dans quel intérêt ?
Low functioning means that your assets are ignored. High functioning means that your deficits are ignored.
Laura Tisoncik
Un faible niveau de fonctionnement signifie que vos capacités sont ignorées. Un haut niveau de fonctionnement signifie que vos déficits sont ignorés.
Diviser pour mieux régner
Ce n’est pas parce que j’ai des compétences dans certains domaines et un profil, soi-disant, à haut niveau de fonctionnement, que des personnes qui semblent moins fonctionnelles ne peuvent pas m’aider. Il n’y a pas longtemps, je regardais un reportage sur un jeune adulte porteur de trisomie 21 « Il est libre Nicki !, vivre avec un chromosome en plus« . Je peux vous assurer que pour plein de choses, il se débrouille mille fois mieux que moi. Je ne dis pas qu’il ne peut pas se mettre dans des situations compliquées voire dangereuses sans en avoir conscience. Il m’est arrivé de demander à un enfant comment il ferait, mais pas en l’expliquant avec des mots d’adultes. Souvent j’ai eu des réponses géniales, des solutions auxquelles jamais je n’aurais eu accès.
Peut-être que je suis plus compétent que certains dans ce qui concerne ce qui est socialement acceptable, mais à quel prix? C’est surtout le masquage mon plus grand pouvoir. Ma plus grande faiblesse aussi. Dans tous les cas, je ne pense pas qu’il soit bienvenu de nous diviser, de nous opposer. À part pour ceux qui veulent garder le pouvoir sur nos vies et nos choix.
J’avoue que j’aimerais bien travailler dans le domaine, si je le peux à nouveau un jour. J’espère pouvoir apporter un peu de mon expérience du monde et peut-être une certaine capacité à comprendre ce que certains peuvent vivre, même si ils ne s’expriment pas par la parole. Et plus particulièrement avec des enfants. Mais je pense qu’ils m’apprendront bien plus de choses que je ne pourrais le faire pour eux. Quel que soit leur niveau de fonctionnement.
Une dernière petite chose sur le mot Autisme, j’en ferais un article plus complet à l’occasion. Pour moi, rien que ce mot démontre l’incompréhension qui y est associée. Sûrement dû au fait qu’il a été décrit par des personnes « extérieures ». Cela vient du grec ancien autós (« soi-même »), décrivant un comportement tourné vers soi. Donc pas connecté vers l’extérieur. Ce que je perçois des personnes autistes, c’est totalement l’inverse. Des personnes tellement connectées vers l’extérieur que cela en crée de la souffrance, ce qui nous oblige à nous protéger dans cette bulle. Les autistes ne sont pas ceux qu’on pense…
Photo de Markus Spiske
Premier article que je lis … mais tellement vrai
Merci pour ton commentaire !