Voici un article pour vous parler de la démarche qui aura conduit au diagnostic de mon autisme, mais avant je vais vous faire un court résumé de ce qui s’est passé pour arriver au diagnostic de mon déficit attentionnel avec hyperactivité. La manière donc cela s’est passé est assez représentatif de ce que peut provoquer une compréhension autistique d’affirmations, parfois, un peu trop catégoriques.
TDA/H toi-même…
En 2003, j’ai entrepris une démarque thérapeutique sur le plan psychologique, pour essayer de régler quelque chose que je traînais depuis longtemps. Un problème d’estime et de confiance en moi. Il avait une assez mauvaise influence sur mon fonctionnement et sur ce que je pouvais réaliser de ma vie. J’avais une phrase étrange pour me définir.
Je suis une personne avec une très faible confiance personnelle, tout en étant capable parfois de faire des choses qui demandent une confiance en soi absolue.
Et c’est vrai que par moment, j’arrivais à plutôt bien m’en sortir, quelque chose de tellement improbable, j’avais de la peine à me reconnaître. Un côté Dr. Jeckyll et Mr. Hyde, sans savoir quand l’un ou l’autre prenait le dessus. Dans les moments difficiles, je perdais tous mes moyens, au point que je pouvais être méconnaissable pour les gens qui pensait me connaître. Avec bien-sur la cohorte de « il y a qu’à », « tu devrais », « tu pourrais ». Tout ce qui, finalement, ne m’aidait pas et faisait tomber encore plus bas ma confiance et augmentant la culpabilité. C’est une des causes qui me faisait détester la phrase « Tu es une très jolie fleur, mais tu n’as pas encore éclos. » dont je parle dans l’article « Il vaut mieux être seul que mal accompagné« .
Soudain, un doute s’installe.
Après une année de thérapie, qu’on peut définir comme pas très productive. J’étais suivi par un psychiatre, un peu vieille école avec des costumes pieds de poule. J’ai un jour émis l’hypothèse que je puisse être hyperactif. Je ne connaissais pas bien le trouble du déficit d’attention avec hyperactivité, avec le recul, je peux dire que j’alternais période, hyper et hypoactivité, de manière de plus en plus resserrée. Il faut préciser que l’hypoactivité, est une hyperactivité cognitive menant à une passivité physique. Tellement la tête pleine qu’on peut plus bouger.
Mon hypothèse a été balayée par un sourire et un « Vous, c’est impossible », sujet clos. Et avec mon fonctionnement autistique, si une personne que je considère compétente, parce qu’il avait un diplôme dans le domaine, me dit non, alors c’était que je m’étais trompé. S’en est suivi une fin de thérapie liée à des problèmes d’assurances et administratifs. Comme quoi les emmerdes, des fois on les voit venir depuis loin, mais on ne sait pas pourquoi elles volent au-dessus de nous, avant de nous tomber dessus. Finalement un bel échec. Mais comme on apprend de ses échecs, il fallait passer par là.
TDA/H 2ème prise
En 2002, soit 9 ans plus tard, sans boulot, dans une merde noire (il n’y a pas de mot plus approprié), j’essaye de m’occuper de ma santé. En effet même si au niveau psy, j’étais au fond du trou. Sévèrement déprimé 28 jours par mois, je ne pouvais pas me considérer comme dépressif, vu qu’il y avait des jours où tout semblait disparaître. J’avais aussi pleins de soucis physiques, de douleurs, etc, etc. Cela m’a conduit à essayer de chercher de ce côté.
J’ai donc été dans un service qui s’occupe des personnes n’ayant pas d’assurance maladie. Je vous ai dit « merde noire ». Et je suis tombé sur une interne, qui a pris les choses sérieusement. Même si on n’a pas trouvé grand-chose, elle m’a dit des choses que j’avais besoin d’entendre comme:
Avec vous, il n’y a rien qui marche comme dans les livres.
Le genre de phrase qui fait tellement de bien, quand on a entendu poncifs ou accusations de mensonges par d’autres médecins durant les tentatives précédentes de soutien médical. Au point de laisser tomber toutes recherches dans le domaine.
Et un jour, elle me demande. Vous ne seriez pas TDA/H ? Depuis je m’étais un peu documenté sur le sujet. Mais lui ai expliqué qu’un de ses collèges, du même hôpital, avait exclu cette hypothèse. Elle m’a fait remplir un petit questionnaire, toutes les questions allait dans le sens que oui, je l’étais.
Le diagnostic tombe, boum
Elle m’a adressé à un spécialiste extérieur à l’hôpital, pour éviter la précédente déconvenue. Celui-ci présentait tellement de signe de l’être aussi que je lui ai demandé si il était concerné par le trouble au début du rendez-vous. Ou comment mettre un psychiatre mal à l’aise en 2 secondes… Quoi qu’il en soit, il a validé que je l’étais aussi, 9/10 au niveau sévérité. Mais le rendez-vous s’est rapidement arrêté quand il a voulu m’imposer un traitement à base de Ritaline. De mon point de vue, c’est pas au médecin d’imposer, mais de proposer en fonction des désirs du patient et de ce qu’il est possible de faire.
C’est dans ce but que j’ai suivi une thérapie de groupe « Acquisition de compétences pour personne TDA/H » en plus d’une en individuelle. Cela m’a beaucoup appris, entre autre la responsabilisation de mes actions en fonction de ce que j’étais et de mes limites.
Force est de constater, que je me trouvais un peu différent de la plupart des autres participants. Avec un petit truc en plus ou en moins…
Et le TSA alors…
On y arrive. Comme souvent, les choses ne tombent pas du ciel, les unes après les autres sur demande. En essayant de mieux gérer mon TDA/H, il y avait clairement quelque chose qui ne jouait pas. Plus je prenais des actions pour bien gérer mon TDA/H, ce qui me faisait du bien, moins j’allais bien en général.
Je partais faire des voyages journaliers en train pour découvrir mon pays, produire quelques images. C’était super chouette, je revenais dans un état de colère et d’épuisement incompréhensible. Il me fallait des jours pour remonter la pente. Au fur et a mesure, j’avais de plus en plus de peine à le faire, tellement anxieux de la précédente expérience. Finalement, j’ai laissé tomber.
Comme j’avais d’autres soucis, au niveau alimentaire et autres, je me suis intéressé à l’alimentation pour la gestion du TDA/H. J’y avais été aussi sensibilisé lors de ma thérapie.
1er contact avec le monde de l’autisme
En cherchant de la documentation sur le sujet, je suis tombé sur un forum de parents d’enfants avec autisme. Me suis dit que « Tiens, c’est intéressant ». C’est une phrase qui est devenu un déclencheur tellement elle est signe d’un possible quelque chose. Donc, intéressé par tous ces témoignages, j’ai continué à lire. À aucun moment j’ai pensé avoir un autisme. J’étais juste en train de nourrir mon cerveau. Plus il a d’informations, plus il peut les assembler et me produire des hypothèses. Nourrissons le monstre, il en sortira toujours quelque chose.
Au niveau du résultat, c’était un peu mieux, mais pas top quand même.
Un contact improbable
Étant sur LinkedIn, j’avais une personne que je ne connaissais pas vraiment dans mes contacts. Elle m’avait connecté par rapport à mon intérêt pour la réalité virtuelle. C’était assez rare que j’accepte ce genre d’invitation, comme le fait de faire du follow-back, une pratique donc je comprends le sens, mais pas le but.
Un jour il a posté un message parlant d’une étude sur le fait que chez les personnes HP, il y en avait plus qui étaient atteintes de malade auto-immunes. Ajoutant en commentaire quelque chose du genre. Il est dommage que des gens pouvant apporter beaucoup à la société étaient en moins bonne santé que d’autres.
Je n’étais déjà pas trop d’accord sur le fond, je pense qu’il n’y a pas besoin d’être HP pour apporter quelque chose, c’est un critère discriminant de mon point de vue. Mais tous les commentaires allaient dans son sens. Mais j’avais aussi un problème sur l’interprétation des résultats. Je lui ai répondu que, peut-être, qu’il y avait plus de diagnostics chez ces personnes grâce à leurs capacités cognitives, et pas forcément plus de malade. Causalité n’est pas conséquence.
Une rencontre providentielle
C’est alors qui m’a envoyé un message. Il désirait me rencontrer.
Rencontrer quelqu’un d’inconnu, c’est pas la chose la plus simple. Plutôt anxiogène même, mais bon soyons fou, j’ai dit « oui ». Il m’a proposé comme lieu de rencontre le bar d’un hôtel 4 étoiles. J’ai vérifié le cadre en utilisant Internet. Cela semblait être suffisamment cosy pour que je m’y sente pas trop mal. Les lieux « luxueux » habituellement, j’aime bien. Souvent aménagés avec de l’espace dans un cadre feutré. J’ai remarqué qu’il était rare de que je sois traité de manière différente dans ces lieux, même si je le suis et que je détonne un peu dans le cadre. En effet, cela peut être risqué de traiter un client de manière différente, on ne sait jamais si le client avec une allure d’adolescent attardé n’est pas une grande fortune. Voilà aussi un milieu où des choses socialement pas acceptables, le sont. Comme quoi, quand on veut, on peut.
Nous avons discuté de nombreuses choses, nos activités, nos univers. C’était très intéressant, autant que sur-stimulant. Et comme toujours, un modèle de la personne se créait dans ma tête, qui provoquait l’apparition de pleins d’hypothèses. Et une c’était qu’il devait aimer les séries TV. Je lui ai donc posé la question. Il m’a répondu par l’affirmative. Nous avons donc échangé sur celles que nous avions aimées. Et là, il me dit « Tu devrais regarder The Good Doctor, je pense qu’elle pourrait te plaire. » Ce que j’ai fait quelques jours plus tard.
Mais avant de continuer, je vous partage l’interview faites pour l’émission « Un film, Une série qui a changé votre vie » de fréquence Banane, enregistrée en fin d’année 2018, quelques mois après le diagnostic de mon TSA.
Comme quoi on peut même se découvrir en regardant une série
Quand je dis regarder une série, pour celle-là, je me suis arrêté après 4 m 30 de visionnage. Je me disais « Mais, c’est moi » toutes les minutes.
La première scène de harcèlement m’a fait ressortir tous ceux subis à l’école que j’avais profondément enfouis dans ma mémoire au point de ne même pas me rappeler en avoir vécu, pourtant il avait été bien présent. Si vous avez lu « Je suis un zèbre » de Tiana, les chapitres parlant de son harcèlement correspondent bien à ce que j’ai vécu. À la différence près, que j’avais du mal à comprendre que certains se disaient amis, mais n’en avaient pas le comportement. Se retrouver à supplier une maîtresse pour que ses harceleurs ne se fassent pas punir, parce qu’on pense que c’est des amis et que, en plus, on va ramasser encore plus après. C’est assez paradoxal.
Puis, il arrive dans un aéroport. Et là, il faut avouer que la représentation du trouble d’intégration sensorielle est assez bonne. Entendre tous les sons, à la fois, sans pouvoir les discriminer. Je me suis aussi bien reconnu, gloups. Mais bon, le TIS n’est pas propre qu’aux personnes avec autisme.
Puis arrive le moment où un accident arrive. Un enfant est blessé, un médecin présent sur les lieux lui porte secours, mais fait une erreur propre à la mauvaise connaissance des différences physiologique avec les adultes. Shaun arrive pour lui expliquer qu’il se trompe, avec son style bien à lui, ne correspondant pas forcément à l’urgence de la situation. Mais en ayant raison. Et tout ça, en oubliant la saturation sensorielle qu’il vit sur le moment, dans ce hall d’aéroport. Bien-sûr, il se fait rembarrer. Là aussi, cela collait extrêmement bien à des situations que j’avais déjà vécues.
Après ça j’ai dû arrêter, c’était déjà trop, j’aimais bien certaines séries médicales, elles m’ont d’ailleurs bien aidé à comprendre et mieux interagir avec les professionnels de la santé, vous pouvez d’ailleurs retrouver mon article sur les séries TV et leur importance.
Commence la période de documentation
C’est un peu une conséquence de la peine que je peux avoir à me faire comprendre et être pris au sérieux. Avant de demander un avis à une personne compétente, j’ai tendance à bien me documenter. Même un peu trop parfois. Cela me permet d’être réactif aux dires de mon interlocuteur et pouvoir lui faire remarquer des problèmes, sans avoir à devoir me documenter ultérieurement. En effet cela casse la dynamique de l’échange, déjà compliqué, à cause du délai que cela impose. C’est moins problématique dans le cas d’échange écrit. Mais dans ce cas, ça aura quand même été très difficile au début, je parlerais plus tard, patience. L’article « Le français n’est pas ma langue maternelle » est là pour vous.
Donc, après quelques semaines d’intense recherche, ou comment développer un nouvel intérêt spécifique et la lecture du livre « L’autisme expliqué au non-autiste » qui est une perle, dont je parle dans l’article « Un autiste agressif est un autiste agressé« , j’ai pris contact, par email, avec la psychologue qui m’avait suivi pour le TDA/H, pour lui soumettre mon hypothèse et avoir son avis. Elle m’a répondu sans me le donner, mais en me fournissant les coordonnées d’un collègue compétent dans le domaine.
Début de diagnostic
J’ai donc pris contact avec ce dernier. Puis l’ai rencontré 2 fois. Je ne peux pas dire que c’était une bonne expérience. À la fin du premier rendez-vous j’ai failli jeter l’éponge, KO. Mais je ne pouvais pas le faire, sachant que relancer un démarche diagnostique me serait compliqué. J’ai entendu, qu’il ne voyait pas en quoi cela me posait des problèmes, que j’avais un bon niveau d’étude, que je m’exprimais bien. Et à la fin, remettait même en doute le diagnostique de TDA/H fait par ses collègues qui m’avaient suivi pour. Et là, je lui ai listé tout ce que j’avais vu dans son comportement qui me faisait dire que lui était TDA/H, que visiblement il ne se gérait pas aussi bien que moi. Comme quoi, les études de médecine, et de psychiatrie, dans ce cas, ne forme pas à être un peu psychologue
Mais, comme souvent dans ce cas, j’étais bien incapable de lui répondre sur le moment. C’est en rentrant que je lui ai écrit un email, lui expliquant, entre autre que si il ne voyait pas en quoi cela me posait des problèmes, c’était déjà un problème, j’avais beaucoup de peine à me faire comprendre, etc. L’écrit m’a un peu sauvé, la colère aussi.
Suite de diagnostic
Ce cher psychiatre qui, il faut le préciser est le chef d’un service qui s’occupe des personnes avec autisme. Pas mal, pour quelqu’un qui arrive à les mettre mal et leur générer de l’anxiété, m’adresse à une psychologue du même service pour un diagnostic plus formel. C’est après quelques rendez-vous que finalement, il tombe. Je suis bien porteur d’autisme. C’était le 28 août 2018, quelques jours après mon 45ème anniversaire. Quel cadeau. C’est le genre de cadeau aussi libérateur que lourd à porter. Un moment particulier. En aéronautique c’est V1, la vitesse où il n’est plus possible d’avorter un décollage sous peine de sortir de la piste.
Mais maintenant, il fallait réussir à atteindre V2, la vitesse à atteindre pour garantir un décollage en toute sûreté.
Et maintenant
Peut-être à cause de mes problèmes de proprioception, je ne suis pas sûr de ma position dans l’espace. Je pense avoir quitté le sol, visiblement avant le bout de la piste. Je ne sais pas si il y en a encore sous moi. On verra.
J’ai aussi découvert, que contrairement à ce que je pensais, poser un diagnostic formel, n’ouvrait pas forcément à une bonne prise en charge, pas au niveau de ma psychologue, dont je suis très content. Force est de constater que les personnes avec autisme, sont souvent suivies par des personnes qui ne le sont pas, des moldus. Qu’ils s’appuient sur la connaissance développée aussi par des moldus. Et qu’ils ne vivent pas en Autistan et n’iront jamais en voyage dans ce magnifique pays. Ils font preuve de beaucoup de maladresse sociale, comme des vacanciers, qui ont lu le guide du routard, écrit par des observateurs externes.
En tout cas, il est clair qu’il y a encore beaucoup de boulot pour faire progresser la prise en charge. Il faut bien quelques problèmes pour toutes ces solutions.
De mon côté, mon plus précieux soutient c’est moi. J’ai constaté une fuite de ce qui restait de mon entourage. Cela a été difficile au début. Finalement, ça laisse aussi de la place à une meilleure compagnie. Je vous renvoie à mon article « Il vaut mieux être seul que mal accompagné« . Cela peut être aussi difficile à accepter pour la famille, ce que je peux comprendre, pour pleins de raisons que je n’énoncerais pas ici, par pudeur.
Dans tout les cas, je me rends compte du chemin parcouru et même si j’en voudrais toujours plus. L’article sur la perfection arrive bientôt. L’existence de ce site en est en soit, un signe.
La vie est un long voyage, qu’importe la fin, l’important c’est le voyage lui-même.
J’ai bien aussi une version un peu plus « brut »
La vie est une salope et après t’es mort.
Je vous souhaite à tous un excellent voyage !
Photo de Emma Frances Logan